De mascottes et de stéréotypes

La région d'Ottawa est une des régions les plus bilingues du Canada. Elle est aussi l'un des endroits où la résistance au fait français est très intense. Depuis quelques mois, on remarque aussi que la région d'Ottawa est bien dotée en personnes (surtout, mais pas inclusivement, des hommes) qui aiment associer leurs équipes sportives préférées avec des mascottes à fortes connotations ethniques négatives. Après les Amérindiens, on s'en prend aux Canadiens-français. L'équipe d'expansion de la CFL de la ville, les Redblacks (en principe aussi Le Rouge et Noir), s'est donné "Jos Mufferaw" comme mascotte, un gros "lumberjack" à la mâchoire carrée, à la chemise carreautée et à la tuque fière.

Joe Mufferaw dans toute sa splendeur...

Joe Mufferaw dans toute sa splendeur...

Le problème, majeur, est que ce personnage est basé sur une chanson folk de Stompin' Tom, elle-même inspirée de la chanson "Jos Monferrand" de Gilles Vigneault, chanson basée sur l'histoire vraie de Jos Montferrand, alias Jos Favre, qui s'est battu contre la discrimination envers des Canadiens française dans l'industrie du bois en Outaouais. Sans surprise, les Franco-Ontariens et les Québécois de la région sont plutôt outrés. Pour leur part, les supporters de l'équipe choisissent de n'y rien comprendre. Je dis "choisissent" en raison des conversations (comme celle incluse au bas de cette entrée) qui pourrissent les médias anglophones depuis deux jours. En somme, les médias et autres anglophones estiment que Jos Mufferaw n'est pas un symbole canadien-français, mais une légende locale basée sur le passé bûcheron de toute la région et que toutes les ethnicités de la région ont produit des bûcherons et que donc un bûcheron ne peut pas être un stéréotype canadien-français. Cette affirmation est répétée ad nauseam, malgré l'abondance de preuves du contraire, non seulement sur Montferrand lui-même, mais sur le stéréotype du gros bûcheron mal dégrossi canadien-français, comme le "lumberjack" dans Bugs Bunny, par exemple.

Il s'appelle Blacque Jacque Shellacque

Il s'appelle Blacque Jacque Shellacque

Bien sûr, le problème majeur avec l'argument que Mufferaw n'est pas Montferrand et que ce premier n'est qu'une légende même si le second fut un personnage historique, est que la mascotte s'appelle "Jos Montferrand" en français. Donc, malgré l'égosillage des Anglos qui tentent d'expliquer aux Francos qu'ils ont tort de s'offusquer, le fait est que la mascotte est encore une fois un stéréotype canadien-français et une usurpation historique.

Ce serait comme si une équipe de sport américaine se choisissait une mascotte d'allure amérindienne stéréotypique inspirée de Crazy Horse, l'appeler "Curly" (parce que Crazy Horse avait les cheveux frisés) mais appeler cela un hommage. Comme si Chief Wahoo des Indiens de Cleveland est un hommage. Comme si Aunt Jemima est un hommage, ou Uncle Ben. Ce n'est pas parce que cette fois-ci, la mascotte est blanche que cela n'est pas moins insultant. Je fulmine contre les Braves d'Atlanta, les Indiens de Cleveland, je ne suis battu contre les Redskins de Nepean. Je vais me battre contre l'usage insultant de "Joe Mufferraw".